Autres temps, autres moeurs

Cette semaine, je devisais avec une collègue. Elle fille de boucher et moi d’un monteur de ligne, nous évoquions notre enfance. Plus particulièrement, les jeux qui furent les nôtres et qui n’ont plus rien à voir avec ceux de notre progéniture. C’est ainsi qu’a débuté notre propos. Il fut question de vélo.

 Les générations actuelles X, Y, Z en ont tous eu un dès leur plus jeune âge. Celui-ci a grandi avec eux au fil des ans. Si la famille était nombreuse, les vélos des plus grands attendaient les plus petits. Mon premier vélo fut un don de ma tantine de Brossard. Lorsque l’on vit à logement et que l’espace est restreint, la grande question est : où allons-nous le ranger ? La première fois où j’en ai enfourché un, ce fut à 11 ans. Pas question que papa et maman me suivent en tenant le banc pour s’assurer que je ne foute pas le camp. Je peux dire que je n’aurais pas passé le test de la sobriété illico. Le vélo fut vacillant quelque temps. Mais, jour après jour, j’ai réussi à maîtriser la monture, non sans une certaine fierté. Quel que soit l’âge, le grand tournant est quand les guidons lâchés, le vélo continue d’avancer sans tituber. 

Après cette première byciclette dont j’ignore la fin, ma marraine m’en a offert un pour mes 18 ans. Je débutais une relation avec celui qui fut mon premier mari. Le vélo rime avec liberté quand les moyens sont limités. Il me fut fort utile durant une grève de transport en commun. Il n’avait qu’un défaut, il pesait lourd. Alors que mon copain roulait en Garlatti, moi je m’échinais sur les côtes. J’avais un poids plume et ma bécane pesait plus que moi. J’exagère peut-être... mais si peu. Il me propose une randonnée dans l’ouest de l’ile. Le tout aurait pu être très bucolique. Vous savez le boulevard Gouin, la rivière des Prairies. Je vous parle d’une époque où les pistes cyclables n’existaient pas.

Le seul hic est que c'était la première journée de mes règles et que comme le disaient nos aïeules, j’avais mal au bas ventre. Partir de la côte Ahuntsic vers Senneville ce n’était pas une sinécure surtout pour une première randonnée. Plus je pédalais, plus je frustrais de ne pas être entendue et de traîner derrière. Lorsque j’en ai eu plein le..., je me suis arrêtée sur le perron de l’église à Sainte-Geneviève et le trop-plein a trouvé sa voie de sortie. Par la suite,  nous avons roulé vers Senneville, j’étais plus détendue et disponible à la beauté de l’environnement. Je suis passée récemment devant cette église et je me suis souvenue.

Quelques mois plus tard, je me délestai de ce vélo pour trouver l’allégresse avec un Peugeot Sport. Cette fois, j’étais dans la course. J’y suis demeurée quelques années. Le temps de l’enfourcher pour affronter les contrariétés de la vie quotidienne. Un jour, alors que les planètes étaient contre moi, j’avais préparé un souper pour ma famille élargie. Un veau aux cerises qui avait un peu trop cuit en attente du retour du père et des enfants. Les navets perturbés avaient refusé leur temps de cuisson. Les retardataires une fois attablés se sont permis des commentaires sur le repas proposé. C’en était trop. J’ai quitté précipitamment la table, j’ai enfourché mon vélo sous les cris de mon aîné qui m’appelait et que je n’entendais pas. Le temps de me calmer, j’ai repris le chemin de la maison. En m'apercevant mon fils eut pour commentaire : « Tu es revenue ». Ce fut la dernière fois où mon engin à deux roues fut une soupape d’échappement.

À présent, je déambule sur les pistes cyclables, j'admire les paysages. Je suis toujours habitée par ce même sentiment de liberté. Il m’arrive encore de lâcher les guidons, juste pour voir... l’enfance n’est jamais loin.


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