L'été, le ciel n'est pas toujours bleu

Une fois de plus cet été, je suis allée dans un endroit que nous aimons moins fréquenté. Je le visite à diverses occasions en raison de mes fonctions. Il y a peu de place pour mes émotions. Je me dois d'être celle qui apaise les coeurs, qui sait trouver les mots. Ce soir de juillet, je n'y arrivais pas. Seul le silence se dressait entre nous, chacun pouvant cerner la peine de ces parents que la vie venait d'écorcher.

Une salle où la climatisation faisait fureur. Des fleurs, une croix comme celle des chemins, indiquant le court passage sur cette terre d'un petit ange. Un petit cercueil blanc, avec une couverture rose pour accueillir le corps minuscule d'une petite fille d'à peine 24 semaines, qui durant 10 jours a tenu à la vie. Quiconque a des enfants, peut imaginer la joie des parents quand le test de grossesse confirme une nouvelle vie à naître. Des mois d'attente, de clinique de fertilité, de fécondation in vitro pour voir un rêve s'anéantir à quelques mois de la délivrance.

Nous sommes là, impuissants devant cette absurdité de la vie. Pourquoi eux ? À cela, il n'y a pas de réponse. C'est la vie, tout simplement. La peine ne se mesure pas au nombre de mois où l'enfant vit. Perdre un enfant, c'est une souffrance qui déchire les entrailles. La vie continue, mais jamais les parents oublient. Ces parents ont fait ce qu'ils croyaient en devoir de faire, honorer le court passage de leur fille dans leurs vies. Lui, s'approchant du cercueil, posant ses mains sur sa petite fille, le regard porté vers le bas, les épaules abattues, croulant sous sa peine qu'il n'ose exposer. Elle, digne essuyant ses larmes à chaque étreinte.

Quand on est immigrant, la solitude est plus criante dans de telles circonstances. Les proches sont loin. Les exilés font office de famille,tout comme nous les collègues de travail. La cérémonie religieuse débute. Nous sommes à écouter des prières dans une langue qui nous est inconnue. Qu'importe la langue, le signe de croix nous unit même s'il se termine à gauche avec trois doigts:le Père, le fils et le Saint-Esprit. Nous unissons nos pensées pour cette enfant désirée que la vie a ravie à ses parents. L'encens brûle, un gâteau et du vin reposent sur une table. Des intimes soulèvent le gâteau où deux bougies sont déposées, symbolisant l'élévation de l'âme. La cérémonie se termine avec le partage du gâteau fait de noix et de blé. Nous repartons vers nos vies, le coeur triste pour ces parents éplorés.

Sur la route des vacances, habitée par ce triste évènement, au hasard du chemin nous nous sommes retrouvés attablés à proximité de deux femmes début quarantaine. Manifestement, elles avaient choisi le coin le plus isolé. Sans le vouloir, nous sommes venus troubler leur intimité. Elles n'avaient plus de cheveux... vous devinez pourquoi.

Tout au long du repas j'avais le coeur au bord des lèvres et mon homme de coeur aussi. Je les entendais parler de leur vie actuelle, de celle d'avant, photos à l'appui, avouant que ce qui leur manquait le plus, c'était leurs cheveux. J'étais là, à côté, avec ma tête de lionne. Je me sentais indécente et en même temps, si vivante. L'une d'elle a eu pour propos de cesser d'investir dans sa garde-robe car de toute manière, elle serait morte avant d'avoir pu les porter. Au même moment, l'amie qui nous accompagnait a eu pour commentaire: Le ciel n'est pas bleu pour tous et moi, de penser à la beauté, à la lumière qui émanaient de ces deux femmes que le destin avait réuni. Qu'il soit bleu, gris, au soleil couchant, je ne me lasse pas de le regarder, il me mène vers l'infini, là où tout est possible.

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