Le moment qui a tout changé

Selon vous, quel est le moment qui a tout changé pour les femmes ? La pilule, le droit de vote, c'est vrai. Il y a autre chose de notre quotidien qui n'était pas de celui de nos mères. Je ne vous parle pas de nos grands-mères, non, de nos mères.

Un dimanche après-midi, ma sœur et moi étions assises à l'arrière, mon père avait laissé le volant à ma mère afin qu'elle puisse apprendre à conduire dans un stationnement à proximité de la maison. Nous étions fières de notre mère qui, nous espérions, saurait prendre la route quand notre père ne serait pas en état de le faire. Mon père fit preuve de beaucoup de patience, mais l'expérience ne fut pas très concluante, ma mère déclarant forfait.
 
Conduire une voiture pour une femme dans les années 60 était une chose peu commune. La venue de la pilule a permis aux femmes le libre choix de la maternité et une ouverture à accéder au marché du travail. À l'époque, il n'y avait que ma tante Edna qui conduisait une grosse Station Wagon. Les femmes se laissaient conduire. Vous croyez que les choses ont changé? Souvent la conduite automobile comme la manette de télévision sont la chasse gardée de la gent masculine. J'aime bien me laisser conduire et j'aime aussi conduire. Pour cela, il m'a fallu du temps.
 
Comme vous le savez, je ne suis pas très douée pour les évaluations. J'ai réussi à obtenir mon permis de conduire par la peau des fesses. La personne qui m'accompagnait ce jour-là était mon père. Mon apprentissage je l'ai fait sur la route menant à Bellefeuille avec mon copain de l'époque. Il a été d'une patience. Je lui ai même acheté ma première voiture. Ce sont des hommes qui m'ont donné accès à mon autonomie.
 
Je me revois sur la route en direction de la Gaspésie, petite dans mes souliers, empruntant les autoroutes en novice. Embrayant, rétrogradant, étouffant dans les côtes. La plus grande victoire fut de me rendre à destination à l'Auberge de jeunesse de Baie St-Paul. Par la suite, j'ai su que je pourrais parcourir tous les kilomètres que je souhaitais, j'étais libre de mes déplacements.
 
La vie a fait en sorte que lorsque vint le tour de mon cadet d'apprendre à conduire, je fus la conductrice désignée.  Étrange revirement de situation. Plus le temps file, plus je considère que déambuler sur les routes est un privilège. Parlez-en aux personnes âgées qui se voient retirer leur permis et leur autonomie, ce moment-là a tout changé.

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