Si Dieu existe- Extrait de Petit pot de biscuits 1



Attends-nous à 4 heures, on va te planter. Bien oui, je vais attendre à 4 heures moi, une folle dans une poche. J’évalue mes chances assez rapidement. La meilleure défense est toujours l’attaque. Alors, c’est là, tout de suite. Je n’accepte pas d’être intimidée. Les grandes font la loi et moi, la plus jeune de la classe, je ne veux pas m’en laisser imposer. Nous sommes à la récréation à jouer au drapeau. Les plus vieilles changent les règlements comme bon leur semble. Elles espèrent gagner.  Moi aussi, je le souhaite, mais en respectant les règles du jeu. 

Les coups de pied, le tirage de cheveux, les morsures, tous les coups sont permis. Dans la cour d’école, les professeurs assistent à l’incident sans intervenir. Les autres filles de ma classe me laissent seule au front. J’ai toujours eu le courage de mes convictions. Même si elles sont plusieurs après moi, j’ai le dessus. Je suis grosse comme un pou, mais j’ai du nerf comme ils disent.

 La cloche sonne pour signifier la fin de la récréation. Au retour en classe, mon professeur a eu vent que je me suis colletée dans la cour. Je suis debout à côté de mon pupitre, sous les feux de la rampe. La séance d’humiliation s’annonce. Je dois justifier pourquoi je me suis battue devant toute la classe et dire que je ne recommencerai plus. Je trouve injuste que celles qui ont amorcé la bagarre ne doivent pas s’expliquer devant toutes. Tout le monde sait et tout le monde se tait. 

Alors, le scénario se reproduit l’année durant sans que personne n’intervienne. Les plus vieilles continuent d’agir en toute impunité. Les séances d’humiliation au retour de la récréation se poursuivent, je refuse de plier. Il faut dire que mon enseignante m’a prise en grippe dès le début de l’année scolaire, parce que j’étais la plus jeune. Les mêmes questions. Je fixe un point et me terre dans un mutisme. Au retour à la maison, alors que j’ai le cœur à l’envers, je suis accueillie par ma mère qui me reproche mes collants troués, mes boutons perdus et un autre interrogatoire reprend. Je suis encore fautive. 

Cette année-là, j’ai flirté avec le suicide. J’avais 9 ans. Mes résultats scolaires chutaient, je dormais peu, je pleurais tout le temps, j’étais à fleur de peau. Ma mère était en dépression, mon père absent. Ils ne se parlaient plus depuis des mois et je n’avais aucun adulte à qui me confier. Les sonnettes d’alarme étaient là. Qu’est-ce qui m’a sauvée ? L’espérance, ma foi en Dieu. Cet hiver-là, il fut mon psychologue. Nos séances étaient matinales. À 7 heures j’étais assise à l’église pour assister à la messe, sous le regard perplexe du curé. J’ai cru que lui seul m’écouterait et m’aiderait à régler mon problème. Bien, il l’a fait et j’ai su que Dieu existe. J’ai eu un nouveau professeur au printemps qui m’a protégée et qui a utilisé l’art pour exorciser mes démons. 

Des histoires comme la mienne, il y en a d’autres. Tout a commencé par l’arrivée des garçons dans notre classe.  Un des leaders avait choisi de me donner le surnom de la vache, lequel fut repris en cœur par ses émules. J’ai longtemps détesté ce garçon, qui des années plus tard s’est excusé quand il a su l’impact que cela avait eu sur ma vie. Oui, les problèmes de santé mentale peuvent poindre dès l’enfance et s’ils ne reçoivent pas l’attention requise, ils mènent au désespoir où l’ultime porte de sortie est la mort. 

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