Joue-moi un air

Dimanche 14 avril 1985, jour de Pâques, nous sommes au salon, le soleil d’avril réchauffe l’appartement. Ce sera notre dernière réunion, mais nous l’ignorons. Elle m’intime d’aller chercher l’instrument. J’hésite, car les ordres, j’en ai marre. Toute notre vie, ma sœur et moi avons été soumises à ses impératifs, à ses fantaisies du moment et surtout… à ses maladies imaginaires. Cette fois, elle est réellement malade, son cœur défaille, mais je n’ai plus de sollicitude, trop usée par ses fausses déclarations. Quelques mois auparavant, j’avais mis au monde son premier petit fils. Elle m’avait offert de venir m’aider pour les relevailles. Étrangement, lorsque je m’étais retrouvée à cette croisée de ma vie : soit avorter ou poursuivre ma grossesse, elle m’avait assuré qu’elle serait là, peu importe ma décision. Pour la première fois, je m’étais sentie comprise par elle et non en compétition. Je venais de franchir le fil de la maternité, ce fil qui maintenant nous unirait. ...