Dimanche d'automne

Je pourrais vous parler de ces dimanches où l'odeur du café au percolateur embaumait la maison, suivi inexorablement du bruit de la friture du bacon.  Je me souviens d'une couleur : rose, d'une lumière qui entre par la fenêtre du salon se reflétant sur les armoires de cuisine et d'une impression: le temps suspendu. Le dimanche est consacré à la famille et à Dieu, bien entendu.

Il y avait de ces dimanches où mon père revêtait ses plus beaux habits, sa robe de chambre de satin bordeaux avec des motifs en losange.  J'aimais ce tissu, j'aimais les dimanches parce qu'ils ne ressemblaient en rien aux autres jour de la semaine.  Outre sa robe de chambre de satin,  mon père se parait pour aller à la messe, appliquant son Old Spice, mettant son habit ainsi que son paletot de laine à fins carreaux.  Ma mère, avec fierté, m'habillait avec mes plus belles robes. J'étais la petite princesse qui accompagnait son père à l'église. Petit manteau brun avec bordure de velours, capine assortie, petit sac en crocodile, je tenais la main de mon père, le coeur léger, tout au bonheur de ce moment privilégié.

Quand nous entrions dans l'église, l'odeur des cierges, de la cire et du bois, m'imprégnaient de solennité.  Le silence était de mise. Je devenais muette. Mon père avait une prédilection pour le jubé.  Fantastique pour une enfant. Quelle vue d'ensemble ! Ce qui me plaisait surtout, c'était qu'au jubé il y avait le choeur et l'orgue. Quel ravissement pour mes oreilles !

De ces dimanches d'automne, il y a ces promenades en famille dans les bois. Une trève où tous étaient au plaisir d'être dans la nature.  Ma mère nous tricotait à ma soeur et moi des magnifiques chandails que nous étrennions lors de ces promenades.  Marcher dans la nature, respirer l'odeur de la terre humide, des feuilles mortes, voir le soleil se frayer un chemin au travers des branches et nous envelopper de sa chaleur, s'asseoir sur une pierre pour s'y reposer et croquer une bonne pomme juteuses. Nous étions assis tous ensemble, à écouter le vent, à sentir les effluves automnales. Ce furent de grands moments de félicité familiale.  Au retour, nous arrêtions au casse-croûte du quartier: Chez ma tante, où nous nous délections d'un bon hot dog avec une orangeade Crush ou Nesbitt, selon les arrivages.

Il y a eu ces dimanches où au lieu d'aller nous promener dans les bois, nous visitions mes cousins de Laval Ouest ou encore ma grand-mère.  Chez ma grand-mère, je retrouvais mes cousins, mes cousines, mes tantes qui habitaient avec celle-ci.  Ma marraine habitait juste au dessous et l'odeur de la soupe minestrone chatouillant mes narines, je m'esquivais en douce pour aller déguster celle-ci en sa compagnie.  Les visites aux cousins étaient plus intéressantes. J'étais la seule fille du groupe et je retrouvais mon complice, mon cousin Pierre qui avait sensiblement le même âge que le mien. Dans cette famille, qui fut la mienne de 6 mois à 1an, j'ai appris à patiner, à jouer au hockey et au Monopoly.

Ma grand-mère est morte et les rendez-vous du dimanche ont disparu. Les promenades dominicales se sont envolées, les dimanches d'automne sont devenus tristes. Il n'y avait plus d'odeur du café, de bacon, de cierges, de feuilles mortes. La vie a continué, mes parents se sont séparés. Les dimanches ont revêtu de nouveaux habits avec pour couleur l'écoute de musique, du temps pour la pratique du piano, pour l'écriture. Le cycle de la vie a repris son cours. J'ai eu des enfants, j'ai repris la vie de famille, toutefois, les dimanches de mon enfance ont une couleur particulière que le temps n'altère pas. C'est là que réside leur luminosité.

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