Les petites fraises des champs

Voilà le moment des présentations officielles venues. Nous prenons la route en direction de Saint-Clément dans le beau Plymouth neuf de mon père. Je suis assise à l'arrière, l'endroit convenu pour les enfants. Mon premier grand voyage. Pour être grand, il est grand, je dirais même long. Il fait chaud. Pour passer le temps, je joue avec mes petites poupées habillées en Écossaise. Mes ancêtres n'ont pas voté du bon bord, alors... la poussière de route en veux-tu, en voilà!

Ma mère me donne quelques recommandations insistant afin que je ne m'assoie pas par terre. Elle me dit que la propreté à la campagne n'est pas la même qu'à la ville. Plus tard, je comprends mieux son propos. Plusieurs crachats jonchent le sol, mon grand-père n'a pas le compas dans l'oeil, sa moyenne au crachoir n'est pas grande.

Nous sommes attendus et l'accueil est chaleureux. La petite fille de la ville va découvrir un monde insoupçonné. Ma mère ne m'avait pas tout dit, mais vraiment... pas tout dit. Premièrement, il y a l'eau que l'on puise. Oubliez l'eau chaude courante, la douche, le bain. Ici, on se lave à la débarbouillette et à la cuve les jours de fête. Les toilettes? Inexistantes. Il reste le petit pot ou... l'étable. L'un couvre à peine les fesses, l'autre, tu risques de trouver le cul sur la paille dans le temps de le dire.

Je suis curieuse de tout et je me prends d'affection pour ma grand-mère Laurette. Je la suis partout. Je vais avec elle à l'étable pour tirer les vaches. Je suis impressionnée par les bêtes. Je crains les coups de queue. Je fais gaffe pour ne pas me mettre les pieds là où il ne faut pas, ma mère ne serait pas contente. Une fois la traite terminée, nous allons écrémer le lait. Pendant ce temps, les poules picorent tout autour. Je n'aime pas vraiment l'odeur de l'endroit, cela sent le suri. Une tournée de moulée pour les cochons. C'est l'heure du souper.

Le poêle à bois diffuse une bonne odeur de pain. Les délices du pain de ménage. Ma grand-mère nous sert une salade du jardin avec du lait caille. Cela, je connais et j'adore. Un bon bouilli avec les légumes du jardin. Arrive le moment du dessert. Une tranche de pain chaud, recouvert de petites fraises des champs et de sucre d'érable avec la crème fraîche. Pendant que je déguste cette douceur campagnarde, mon regard se perd dans les champs où j'aperçois le jardin, la terre qui a vu naître mon père, les fleurs sauvages de juillet, le soleil en cette fin de journée et Mickey l'épagneul mon nouvel ami cherche mes caresses. La petite citadine que je suis est aux oiseaux.

Pendant de nombreuses années, tous les premier juillet, nous retournions sur la terre paternelle. C'était la rencontre familiale annuelle. Je suis allée cueillir des fraises des champs. Je me suis amusée avec les animaux de la ferme. Mon grand-père est décédé, l'aîné a repris la maison. Maintenant, c'est mon oncle Pierre qui a réaménagé ce que l'on appelait la petite école et qui y séjourne. Ma tante Agnès, que je visitais chaque fois que j'étais de passage, me donnait avant mon départ un pot de confitures de petites fraises que je m'empressais de remettre à mon père. J'avais compris que pour mes oncles et mes tantes, les petites fraises des champs symbolisaient les rares moments de bonheur de leur enfance. Tout comme eux quand je goûte une fraise des champs, mon enfance n'est jamais loin.

Commentaires

  1. Que de souvenirs nous avons en commun. Mickey...c'est le nom du chien que je ne me souvenais pas...tu as une bonne mémoire. Mais je me souviens très bien des chiens.
    Ce sont pour moi aussi de très beaux souvenirs et à chaque nouvel été, j'ai le goût des petites fraises....

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