A vous de jouer

Arrivée quelques minutes à l'avance à la gare Montparnasse, je choisis de faire un peu de lèche-vitrine. Je me prends un petit en-cas en portant mon choix sur un yogourt vanille accompagné d'une pomme verte. Soudain, des notes s'engouffrent dans le béton. Étonnée, je découvre un piano au beau milieu de la place.

Un homme, une femme enceinte et leur gamin sont le voisinage. Le père joue un air moderne sous l'oeil admiratif de sa femme pendant que l'enfant joue à cache-cache entre les pieds du piano. Au tour d'un homme, mi-cinquantaine, cheveux gris coupés en brosse, T-shirt, jean délavé. Il ne lui manque que la clope. Ses doigts posés sur le clavier, du jazz s'en écoule. À ses côtés, une fille rousse qui vient tout juste de terminer sa brioche se lèche les doigts pour en effacer le sucre. Une serviette au va-vite fait l'affaire. Elle ajuste le banc, allonge ses mains et... les notes s'emballent avec les grands romantiques Schubert, Chopin. Il m'apparaît qu'elle a manifestement fréquenté le conservatoire. Quelle bonne idée que d'habiter ce lieu par des artistes de passage! Il est beau à voir ce bonheur sur le visage des passants. Un peu de chaleur humaine dans cet univers de béton, empreint de mornitude et de va-et-vient constant.

Combien de fois ai-je joué pour différents publics? Je ne saurais dire. Mon premier concert fut à l'école du quartier à l'occasion des fêtes de Noël. Je me souviens de mon costume un ensemble deux pièces, de couleur bleue royale, petite jupe craquée, veston liséré de blanc. J'y avais interprété Ariettes et variations de Haydn. Et il y a eu les fabuleux concerts de mon professeur de piano interprétés sur un piano à queue spécialement loué pour l'événement. Lors du carnaval d'hiver au secondaire, je fus désignée pour représenter notre classe.  J'avais choisi La bohème de Charles Aznavour.  Au local étudiant du collège Montmorency,  nous étions plusieurs à partager le clavier. C'était le temps de Charlebois, de Véronique Samson, de Beau Dommage. Mes années en milieu communautaire ont donné lieu à de nombreux 5 à 7, dans un petit bar où logeait un vieux piano. Quelques-uns teintaient par leurs interprétations l'ambiance festive de nos soirées avec la chanson française, québécoise, le jazz, le blues. J'étais du nombre.

Au fil du temps, mes doigts ont caressé de nombreuses touches, dans différents pays. Que de fois, ai-je joué à l'occasion des fêtes pour les milieux où je travaillais.  Je sais difficilement résister à l'appel de ce bel instrument, qui je le réalise à présent, a été mon plus fidèle compagnon, ma plus belle histoire d'amour.

Vous vous demandez sans doute si j'ai posé mes doigts sur ce piano de la gare Montparnasse. Ce n'était pas l'envie qui manquait, mais le train j'aurais manqué. Cependant, je me suis fait une promesse, d'enregistrer des airs de mon enfance, des mes chansons préférées afin que cet amour de la musique qui m'habite subsiste. L'idée d'installer un piano dans un endroit inusité continue de mijoter et qui sait où je le logerai.

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