Ma mère chantait toujours

Il me souvient de ces moments d'intimité, lovée contre ma mère, assise en cavalier, ma tête sur son épaule à respirer son parfum, à entendre son cœur battre et sentir la vibration de sa voix le long de son cou. Nous étions ainsi portées hors du temps jusqu'à ce que notre peau devienne moite. Je me décollais, déposais ma tête plus loin sur son épaule et le rythme de son chant s'harmonisait avec celui de la berceuse. Ce sont là des moments profondément précieux et uniques où ma mère m'entourait de ses bras. Ces chants qu'elle m'interprétait, je les entends encore. Ils sont bien imprégnés dans ma mémoire.

On sait que les mères ont chanté des berceuses à leurs enfants pour les endormir. Le bercement synchronise le corps et le cerveau, plus précisément le système vestibulaire, qui régit notre équilibre, capte les oscillations du bercement et les transmet à une partie du cerveau: le thalamus. Ce dernier convertit ces oscillations en oscillations électriques de même fréquence en direction du cortex cérébral.  Comme elles sont lentes,  les ondes transmises au cortex cérébral le sont aussi et elles font basculer la personne bercée dans un sommeil. Se bercer et être bercé a un effet relaxant, et ce, peu importe l'âge.

Revenons à la mémoire. Les airs que ma mère me chantait conditionnaient toute une panoplie d'émotions. La petite fille qui voulait aller danser m'inspirait le désir et la peur de danser, puisqu'ayant désobéi à sa mère, elle mourait noyée. René Goupil à sa mère accueillait chaque fois un geyser  de larmes et Ne pleure pas Janette, réjouissait mon cœur puisque ma mère l'avait adapté à mon prénom et me mariait à mon cousin Pierre.

Mon arbre généalogique musical s'est greffé de chansons qui ont marqué le cours de ma vie.  Donnez-moi des roses, me rappelle une fête de Noël en famille, Hey Jude, ma première année du secondaire, You've got a friend, mon professeur d'anglais en 4e secondaire. Devenue mère à mon tour, j'ai bercé mes enfants. J'ai été habitée par le même sentiment de faire un avec eux comme avec ma mère. Je pourrais longuement épiloguer sur tous ces airs qui habitent ma vie et qui mettent mon cœur en émoi, mais j'aurais peur de vous ennuyer. En terminant, lorsque je vais jouer de la musique chez les aînés, savez-vous quel air m'est le plus demandé ? Vous l'aurez deviné : Ma mère chantait toujours. Même quand elles ne sont plus, on les entend encore chanter. (À la mémoire de ma mère décédée le 14 avril 1985)

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