Journée de rêve

Dernière journée de travail, j'ai le cœur léger. Mon mantra: festoyer et ne pas faire pleurer...ni pleurer, car pour cela je suis très douée. J'arrive en tenue décontractée, puisque c'est ainsi qu'après avoir interrogé mon successeur, il était convenu de faire. Je fais la tournée, salue les gens. Je croise deux femmes qui sont quelque peu étonnées de me voir ainsi vêtue. J'insiste pour savoir si je suis dans le ton. Il semble que non. Elles me disent que je ne serai vraiment pas contente de ma tenue, car plusieurs mettront leurs plus beaux atours.

 

Il me reste à peine une heure avant la rencontre d'équipe. Pas vraiment le temps de faire un aller-retour chez moi,  alors une séance de magasinage s'impose dans une boutique à proximité en compagnie de ma complice de voyage. Je fais plusieurs essayages avant de trouver la robe qui me sied et, tant qu'à faire, je complète avec une écharpe. Une fois au comptoir-caisse, un bracelet me fait signe et se glisse à mon bras. J'ai déjà payé un ensemble 750$ pour souligner l'obtention de mon baccalauréat alors que sont 300$ pour célébrer une retraite bien méritée.

 

Me voilà dignement vêtue pour notre dîner d'équipe aux abords du lac des Deux Montagnes. Moment champêtre, de rire et ... de travail. Mes collègues ont eu la gentillesse de m'offrir une nuitée à l'hôtel où nous sommes. Moments complices de filles, allongées dans le lit. Une photo immortalise ce moment et me fait sourire chaque fois que je la contemple. Un peu de champagne pour arroser l'événement et nous prenons la route en destination de l'endroit où nous festoierons.

 

À l'arrivée, je suis accueillie par le comité organisateur. En entrant un grand cercle composé de mon personnel est là tenant chacun une rose. Je suis émue, ce cercle c'est ma tribu. Mes dames de chœur ont pour l'occasion composées une chanson.  Toutes nos voix s'unissent pour le refrain. Je mesure ce que j'ai créé, une équipe unie, complice. Tour à tour, chacun m'étreint et me remet une rose. Des roses blanches, des roses lilas. Plus d'une quarantaine repose dans mes bras. Je pense à la rose du Petit Prince, chaque rose est unique. Je ne peux résister, des larmes dévalent.

 

La musique vient calmer le tout. J'ai envie de danser, de fêter avec tous ces gens qui sont venus me témoigner leur affection. Les hommages suivent.  Je suis assise, j'écoute. Je me découvre une famille adoptive, c'est de famille dont les interlocuteurs parlent tour à tour. Des jeunes femmes pour qui j'ai été signifiante, inspirante qui aimeraient encore apprendre. Des immigrants en qui j'ai cru et qui ont trouvé un milieu pour s'épanouir. Ma rigueur, mon respect, mon écoute de tout cela il fut question.

 

À mon tour de prendre la parole. Je parle de valeurs, celles qui nous guident, de l'héritage parental. Ma mère, dont la devise, était: tu es capable. Mon père l'entrepreneur, dont la retraite ne fut pas dorée m'a incitée à prendre le large. En faisant du ménage, j'ai retrouvé sa casquette de capitaine. J'ai pensé que pour officialiser cette fin de carrière et symboliser la passation des pouvoirs, la remettre à mon successeur.

 

Le mot merci est trop court pour dire combien mon cœur est content. J'ai vécu une journée de rêve, j'ai pris un bain d'amour. Certaines personnes sont parties de loin pour être présentes. J'ai été touchée qu'elles veuillent prendre le temps de venir me dire au revoir. Bien que je quitte mes fonctions, je ne quitte pas les gens avec qui j'ai développé tous ces liens. J'ai reçu plusieurs fleurs, dont un bouquet composé par une mère et ses filles en origami à mon intention. Il sied parfaitement dans ma chambre à coucher. Chaque jour, je hume son parfum d'amour. Et que dire des roses, qui malgré leurs nombreux transports sont restées belles plus d'une semaine. Des roses magiques... non des roses uniques, qui ne voient bien qu'avec le cœur.