Les joyeux naufragés


Dernier regard avant le départ. All aboard guys ! J'admire la baie, les bateaux, le temps qui, ici, roule en petit TGV. Je me réjouis de cet instant, en me disant intérieurement: c'est beau la vie. Deux passagères au même instant expriment tout haut ce que je viens de me dire tout bas. La veille, nous avons été en croisière. Destination: l'île d'Anguilla. À tout dire, nous nous serions cru dans le feuilleton télévisé "Les joyeux naufragés ". Premièrement, il y avait Éric notre capitaine, un provençal au rire contagieux, Ginger, pardon Sana, notre accompagnatrice et finalement, Christopher le second.

Nous avons LA journée idéale pour nous. Après un petit tour de bus, nous attendons sagement que le zodiac nous amène au catamaran. Première expérience pour moi. Pendant l'attente, certains cueillent des coquillages, d'autres se mettent à l'ombre. J'observe une dame, qui fait du yoga sur la plage. Vous vous en doutez les regards sont posés sur elle mi-envie, mi l'air de dire quelle exhibitionniste. Je souris, je la trouve belle, vivante.
 
Une fois sur le bateau, je m'installe au soleil, vue sur la mer. Quelle agréable sensation que cette chaleur, ce vent, ces gouttes salines. Je profite, j'emmagasine pour la froidure à venir. Nous arrivons à l'île, la plage est déserte, une des plus belles au monde dit le prospectus. Il dit vrai. J'ai le temps d'échanger quelques mots avec la belle exhibitionniste qui durant la traversée portait un cache-nez. J'en connaissais la cause. Elle me raconte son voyage à Saint-Martin il y a deux ans avec Jean-Pierre, le bonheur, le plaisir qu'elle a eus. Jean-Pierre n'est plus, emporté par un cancer. Et là, elle me dit "mon système immunitaire s'est tout déglingué et j'ai eu un cancer du nez". Quelqu'un arrive et nous devons prendre le bus pour découvrir les merveilles de l'île.
 
La déception est au rendez-vous. Comme toute excursion qui se respecte, il y a l'attrape touriste. Un petit rhum punch, un repas St-Hubert. Je blague. Une cuisse, des frites et de la salade de chou, c'est tout comme ou presque,seules les épices changent. De ce côté, la plage est moins belle, mais ne vient-on pas qu'une fois à Anguilla. Au retour, le groupe se fait délinquant comptant bien profiter de cette plage unique, magnifique, au sable fin. Il n'y a pas de cohue pour retourner au catamaran. La récréation prend fin et les adeptes de l'apnée se laissent emporter par le courant. Derrière, des immeubles aux allures méditerranéennes, laissés en plan. Un promoteur qui a fait faillite ou de l'argent blanchi. Désolant!
 
L'odeur du mazout m'oblige à me replier à l'arrière. Je fais ainsi connaissance avec Rachel, 73 ans, veuve depuis 2 ans. Encore la grande faucheuse. Trois enfants. Sa cadette est du voyage. Mariée pendant 55 ans, son homme lui manque. Entrepreneure, elle a tenu commerce de nombreuses années. Elle me montre la bague de sa mère. Une topaze, une bague de valeur au sens propre comme figuré. Elle me parle de la vie, du plaisir d'en profiter. Je n'ai aucun doute, elle sait y faire.
 
Puis, quelque temps avant d'arriver au port, la musique à fond, le temps d'une danse, la croisière s'amuse. Ma belle exhibitionniste occupe la scène, elle danse la vie. Je suis heureuse pour elle de ce bonheur. Je pense à ces deux veuves qui sourient à la vie. Avant de partir, Sana me dit que c'est la fin de la saison des ouragans. Le signe avant-coureur est les premiers papillons. Effectivement, j'en ai aperçu quelques-uns à Fort-Amsterdam. Mes pensées vont vers ma copine Johanne qui vient de passer une année en traitement et qui m'a offert plusieurs objets à l'effigie de papillon. Je reçois cette histoire comme un présage de sa guérison. Je suis descendue au quai le coeur léger, en me disant : Wow, quelle belle journée!

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