Le nouveau monde

J'ai 4 ans, rue Christophe Colomb, nous avons rendez-vous avec la directrice d'une école privée Le Jardin Bleu. La dame me demande d'identifier les lettres, les chiffres. Ouf ! je réussis le test d'entrée. Combien cela coûtera-t-il à mon père ? Pourquoi le privé ? Il semble que je m'ennuyais à la maison.

Le jour de la rentrée, je suis toute excitée. Je porte mon beau costume jupe à plis, blouse blanche, boucle bleue et le blazer marine liseré de blanc et mon sac brun en cuir. J'attends impatiemment le taxi qui me mènera vers un nouveau monde. Monsieur Laberge arrive, un grand-père attentif, toujours de bonne humeur. Nous faisons une tournée, d'autres élèves partagent le même transport.

A l'arrivée, tante Hélène, c'est le prénom de mon enseignante, nous accueille nous enveloppant dans le sillage de son eau de toilette Evening in Paris. Elle est douce. Notre école est au coin de la rue Saint-Laurent et Fleury, au 2e étage. Il y a beaucoup de fenêtres. J'adore les fenêtres, elles me permettent de m'évader quand je m'ennuie en classe. Parfois, je joue dans les cheveux d'Alain Beaulieu que je trouve pas mal de mon goût. Mon premier émoi. Nous sommes les deux premiers de la classe. Ma première année se termine avec succès et j'entreprends ma deuxième année à l'école du quartier.

Mon enseignante Marguerite Blondin habite sur la même rue que moi. Parfois, son frère Daniel vient nous garder ma soeur et moi. La famille est nombreuse, le père est principal d'école comme on disait à l'époque. Je joue avec la soeur de Marguerite à la madame et avec son frère Noël au ballon. Marguerite est douce et m'aime bien. Cette année-là, j'ai dû me faire une place dans le groupe car j'étais la petite nouvelle et aussi... la plus jeune.

Que de découvertes à l'école publique ! La grande salle où avait lieu le salut au drapeau, les croisés, l'achat des petits chinois, le premier vendredi du mois, le magasin scolaire, les chopines de lait le matin, les aspirateurs de craie ou les nettoyeurs d'efface à tableau, l'odeur de la cire sur les parquets, les grandes salles de bain avec fontaine au milieu pour se laver les mains et le savon vert qui pue. Les privilèges d'aller chercher le lait, d'aller nettoyer les effaces. Les médailles d'honneur.

Ce matin, j'étais là à accueillir mes nouveaux élèves pour la rentrée. Je me suis rappelée du premier jour d'école, du bonheur d'apprendre, de découvrir. J'ose espérer que cette flamme qui m'habite, rejaillira sur eux et qu'ils auront plaisir à apprendre.

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