La résilience, une histoire de famille
Côté paternel
Il y a mon père, huitième enfant, né sur une ferme dans le Témiscouata, coureur des bois, monteur de ligne, entrepreneur.
Il y a mon grand-père, ne sachant ni lire, ni écrire, mais compter. Cela ne l'a pas empêché d'être commissaire d'école et de faire le commerce des chevaux. C'était un homme autoritaire, prompt qui n'hésitait pas à corriger ses enfants. Il n'y avait pas de DPJ à cette époque.
Il y a ma grand-mère, morte en couches quand mon père avait deux ans. Mariée tardivement à Ernest, excellente cuisinière, musicienne. Elle faisait un excellent thé.
Côté maternelle
Il y a ma mère, seizième enfant, née sur une ferme dans les Laurentides, découvrant la grande ville à l'âge de sept ans, étudiante à l'École Normale et devenue femme au foyer.
Il y a ma grand-mère qui, en plus d'avoir eu 16 enfants, a élevé ses soeurs à la mort de sa mère. Son père était coureur des bois. Elle a eu le coup de foudre pour Exelius parce qu'il avait de belles bottes et un beau cheval. A l'âge de 48 ans, elle perd deux fils et son mari et devient dépendante de ses aînés pour sa pitance.
Il y a mon grand-père, mineur à la Canalla China Clay and Silica Ltd, décédé de la tuberculose tout comme deux de ses fils.
Tous ces gens ont vécu une vie fort différente de la mienne, de la vôtre, de celle de nos enfants. Chez mon grand-père paternel, il n'y avait pas de toilettes, d'eau courante. Le lait n'était pas du J.J. Joubert, mais celui de la ferme. Alors, pour la laveuse-automatique, le lave-vaisselle, le micro-ondes, la télévision couleur, les ordinateurs, le cellulaire, il faudra repasser. Chez ma grand-mère maternelle, c'était la nourriture qui occupait l'espace. Les soupes de mon oncle Léo, les tartes que ma grand-mère roulait à la bouteille en un tourne-main, tout avait des allures de festin.
Ma mère m'a transmis sa passion des livres, le goût de la culture. J'ai poursuivi son rêve en devenant enseignante. Mon père m'a appris à être débrouillarde, à foncer, à être dans la nature. Ma mère était exigeante et mon père plus tolérant. L'une la performance, le dépassement de soi, l'autre profiter de la vie, observer. Aujourd'hui, je constate que j'ai hérité des talents musicaux de ma grand-mère parternelle ainsi que son goût pour le thé. Mon côté entrepreneur me vient du côté paternel. Mon plaisir de cuisiner de mes deux grand-mères.
Finalement, mon sens de la justice est issu de cette injustice faite à mon grand-père paternel, à ses fils, à sa famille et à ses descendants. La famille Chartrand figure comme étant la famille la plus affectée par la silicose avec trois décès. La Loi sur les accidents de travail n'était pas celle que l'on connaît aujourd'hui. La Noranda Mines Limited a condamné à la misère une cinquantaine de familles à St-Rémi d'Amherst, dont la mienne. Les allocations de mère nécessiteuse n'ont jamais pu combler les pertes d'êtres chers. Les enfants nés durant ces années où mon grand-père fut malade ont vu leur espérance de vie réduite. Ma mère, la cadette est morte à 45 ans, sa soeur d'un an son aîné à 42 ans, une autre soeur de deux ans son aîné, à 38 ans. Les aînés de la famille ont quitté le village pour la grande ville. La désolation.
Alors, je dirais que le courage de ma grand-mère, est devenu celui de ma mère, le mien, celui de mes fils. Chacun ayant eu à affronter des difficultés différentes. Personne ne s'est défilé. La résilience est avant une histoire de famille, une question de valeurs.
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