De Sarajevo à Québec

Il y a de cela une dizaine d'années, elle foula le sol québécois en compagnie des siens. Bien qu'elle soit discrète sur le vécu qui fut le leur, cette jeune femme dégage une belle maturité. Ses yeux et son sourire illuminent son visage. On se doute bien que sa vie fut tout sauf un long fleuve tranquille. Qui peut oublier que de deux à huit ans les bombes étaient le lot quotidien. Certains souvenirs restent imprégnés, ceux-là, elle les préserve jalousement. C'est son jardin secret. Nous devinons tous que les nôtres sont certes plus joyeux.

Les parents ont émigré à Québec, plus précisément à Charlesbourg. Quand elle s'exprime, on y reconnaît l'accent. Sa mère doit retourner cet été à Sarejevo, son père est mourant. Elle lui propose de venir. Elle décline prétextant un nouvel emploi. Sa vie est maintenant ici. Elle s'est inscrite afin de représenter notre centre aux Olympiades. Étonnée de prime abord d'être la grande gagnante régionale, timidement elle a accueilli les félicitations des élèves et de l'ensemble du personnel. Une fierté que nous avons tous partager.  

C'est ainsi que ce week-end, elle participait aux Olympiades provinciales. Sereine, confiante, concentrée sur les différentes techniques à effectuer, elle a donné le meilleur d'elle-même et a fait honneur à notre établissement. Très nerveuse lors du dévoilement des récipiendaires, elle découvre qu'elle ne sera pas sur le podium. Pas de pleurs, que des yeux qui expriment une grande déception. Je suis spectatrice de sa désolation.

Nous sommes tous là autour d'elle à lui dire les mots d'usage. Je nous entends. Personne pour lui dire, tu as le droit d'être déçue. Des phrases toutes faites, pas du genre l'important c'est de participer, mais plutôt cette absence de prix n'enlève rien à ta valeur, n'oublie pas que tu es gagnante du prix régional. Bla, bla, bla. Ce que l'on peut être con parfois. Elle me parle de sa crainte de décevoir ceux qui ont cru en elle, moi, ses professeurs. J'ai envie de la prendre dans mes bras, de lui dire arrête de t'en faire. Sa participation nous a réunis, fait vivre de beaux moments de partage. Son enseignante est fière d'elle, nous aussi.

Comme une enfant raisonnable, elle parle de sa chambre luxueuse, de son expérience, de son nouvel emploi qui l'attend. Je me doute que ce soir en se couchant, elle versera quelques larmes. J'aimerais être là pour consoler celle à qui on a volé l'enfance et lui dire combien elle est inspirante. Un modèle de résilience, de persévérance. J'aime à penser que dans quelques années, elle reviendra parmi nous, cette fois pour y enseigner.

Commentaires

  1. Un texte tout simple mais rempli d'amour! que tu devrais peut-être lui remettre car elle mérite toutes ces belles paroles que tu as pour elle cela la réconforterais j'en suis convaincue.

    Louise

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