Le temps de vivre
Journée la plus longue de l'année. Enfin, le soleil qui ne fait pas que passer. Les vacances scolaires qui débutent pour plusieurs. Un air de farniente se distille un peu partout. Les vieux donnent congé à leur solitude sur un banc de parc alors que les couples, les amis fourmillent sur les terrasses. Me revient alors cet air de Georges. Nous prendrons le temps de vivre, d'être libre...
Je n'échappe pas à cette vague de bonheur. Je m'installe en compagnie de mon homme de coeur à une terrasse du Vieux-Longueuil. A la table d'à côté, quatre vieilles. Je dis vieilles parce que leur peau témoigne du passage du temps. Elles sont toutes guillerettes et s'émoustillent à la perspective de tremper leurs lèvres dans une bonne bière fraîche. L'une d'entre elles est la meneuse. Elle a une opinion sur tout, donne plein de conseils aux autres. Il y a cette autre, qui semble plus jouisseuse. Attention! dans le sens de vouloir profiter des plaisirs de la vie. Le bon vin, la cigarette, les petits excès. Son corps supporte mal son embonpoint et ses articulations s'en ressentent. Je lui propose un comprimé de Tylénol arthrite. J'ai droit à un sourire.
Ces dames s'en vont au théâtre des Hirondelles. La meneuse ne se gêne pas pour leur rappeler qu'elles doivent lui payer 5$ chacune pour le transport. Une autre se voit usurper un billet de 100$ destiné à payer son repas par la meneuse qui est en voie de l'organiser. Je les regarde. Je me vois dans vingt ans. Aurais-je pris le temps de vivre, d'être libre ? La réponse est oui.
J'ose croire que j'aurai encore la santé pour apprécier les bontés de la vie. Une bonne sangria, un repas avec des amies, un spectacle. N'empêche,quand je pense au temps de vivre, à Georges, je me revois à 15 ans, la guitare à la main, rêvant d'un monde meilleur, une année fertile en poèmes d'amour, d'engagement social. Je suis quarante années plus tard, la plume à la main, écrivant des billets d'humeur, qui parlent d'amour, d'engagement social.
Georges n'est plus. Dans une boutique en Espagne, sa gueule de métèque jouait à la radio. Ma compagne de voyage et moi fredonnions cet air quand la vendeuse a subitement changé de poste. C'était un moment de bonheur, intercepté au vol. J'étais heureuse de partager le temps d'une chanson, ce qui fut le temps de vivre, d'être libre.
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