Norman, le gérant

Il était apparu au seuil de la porte de notre salle de conférence et m'avait dit: C'est toi Ginette L...Puis il y a eu ce party de Noël, chez une de nos collègues. Il est venu s'asseoir à mes côtés et nous avons découvert que nous avions habité le même quartier, fréquenté les mêmes lieux et des connaissances en commun. Ce soir-là, nous nous sommes apprivoisés et avons scellé notre amitié.
 
Quelques mois plus tard, une pause santé, il prend le relais avec une collègue. À mon retour, j'assiste à un amour naissant avec sa douce Francine.  C'est bien à ce moment que j'ai vu son vrai visage, celui de l'homme aimant qu'il était. Nous avons partagé beaucoup de moments complices. Quelques dîners où les pastas étaient à l'honneur sur ma terrasse. Une fois, m'étant endormie dans ma balançoire, il avait pris charge du groupe. Nous formions une belle équipe.
 
Je n'ai jamais retrouvé une telle complicité professionnelle. Toujours en train de faire de la mise en scène, comme cette fois au Salon des métiers d'art où nous avions joué le rôle du mari bête, méchant et moi la pauvre femme sans défense. J'avais sur la tête un bibi. Il s'était mis à me débiter un tas de choses pas gentilles, sous le regard ébahi de la vendeuse. Nous avions filé en vitesse étouffés par nos rires.
 
C'était ça le quotidien avec lui, des fous rires. Toujours une blague à raconter, souvent un commentaire sur nos tenues vestimentaires à Stéphanie ou moi, quelques séances de bitchage bien senties à l'endroit de notre organisation. Quand il avait une idée dans la tête, il ne l'avait pas dans les pieds. Il fallait parfois le raisonner car il ne démordait pas irritant parfois notre directrice vénérée.
 
Il était un gars de party,  celui qui était désigné pour l'animation de nos soirées. Mon fils cadet avait bien cerné sa personnalité, il l'appelait Norman, le gérant.  Il avait compris qu'il aimait organiser. C'est surtout le ton affectueux qu'il prenait pour me parler de lui.  Il savait touché le cœur des enfants, il était si proches des siens. Un papa poule.
 
J'ai quitté l'enseignement et il est devenu le numéro 1. Il n'a jamais su que je savais qu'un poste régulier s'ouvrait. J'ai choisi de ne pas revenir et de lui laisser la place. Nous avons continué de nous revoir, souvent au Friand'Oeuf, le temps de voir où nous en étions dans nos vies. La dernière fois que je l'ai vu, c'était chez lui, avec sa douce. Nous avions parlé de l'achat du condo où il a trouvé la mort. Son départ m'a troublée. Il était mon deuxième collègue en enseignement à mourir subitement. Souvent, je pense à lui, son signet mortuaire accompagne mes lectures et je lui souris. La mort nous sépare mais pas le cœur.
 
 

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