Le ridicule ne tue pas

La bouteille de steam

Quand j'avais cinq ans, la famille Blondin habitait notre rue. Une famille nombreuse. Un des fils Daniel, venait nous garder ma soeur et moi. Un jour, il me demande d'aller chercher une bouteille de steam à la tabagie du coin. Quand on a 5 ans, on est fière quand un grand nous demande de lui faire une commission. Empressée, je dévale les trottoirs pour arriver rue Sauvé chez monsieur Fortin. C'est madame qui est là. Et là, je lui fais ma demande. Éclat de rire. Moi, je ne comprends pas pourquoi c'est drôle. Je ne connais rien à l'anglais. Madame Fortin me demande qui m'envoie. Je lui dis que c'est Daniel. Là, elle m'explique que la steam c'est de la vapeur et que cela ne peut contenir dans une bouteille. J'ai le sentiment que l'on a voulu abuser de ma naiveté. Au retour, Daniel me dit: Pis la bouteille ? Je me suis abstenue de répondre et j'ai pris le chemin de ma chambre pour pleurer ma peine.

Le Rocher Percé

Je suis en 4e année. Madame Lapointe, mon professeur, nous montre des diapositives de ses vacances en Gaspésie. Vous l'aurez deviné, nous sommes dans le cours de géographie. Nous arrivons à la diapo du Rocher Percé. Je m'empresse de lever ma main et je lui dis: "Madame, madame, c'est mon père et mon oncle Roch qui ont dynamité le Rocher Percé". Éclats de rire dans la classe. Je suis consternée. Madame Lapointe tente de ramener les choses sans que je perde trop la face. Je ne comprends pas. C'est mon père, conteur d'histoire qui me l'a dit. Mon père ne peut mentir. J'ai de la peine, je suis humiliée parce que j'ai cru mon père. Au retour à la maison, je raconte l'événement à ma mère, qui me console. Au souper, elle sermonne mon père lui demandant de chercher un autre auditoire.

Le défilé de mode

Je suis étudiante au CEGEP. L'appariteur, un français d'origine a un frère grossiste à la Place Bonaventure. Il cherche des mannequins pour un défilé de mode. Je suis financièrement dans la dèche. La perspective d'une rentrée de fonds n'est pas négligeable. J'arrive donc à la séance d'essayage. Les filles qui sont présentes, sont toutes des mannequins d'expérience qui se connaissent. Moi, je me sens comme le vilain petit canard. Débute la séance d'essayage. Ce sont des maillots de bain. Rapidement, nous sommes appelées à dévoiler notre anatomie. Je suis à l'aise avec mon corps mais devant une dizaine d'inconnues, je pose mes mains sur mes seins et tente de me dissimuler derrière la colonne entre deux essayages. Les filles, elles, causent les seins à l'air sans retenue. Le temps du défilé arrive. J'ai bien assimilé les chorégraphies, la séquence des apparitions. Dernier tableau, je porte un bikini rose fushia. C'est bientôt mon tour de faire mon entrée. Mon pied se coince dans les fils du rideau. J'ai un pied sur la scène et un autre derrière que je tente tant bien que mal de dégager. Ceux qui sont devant se bidonnent. L'anxiété monte d'un cran. J'y arrive, non sans peine. Tout ce que je veux, c'est sortir de là au plus sacrant.

Avec le recul, ces situations me font sourire. Quand je les ai vécues, il en allait autrement. Ma mère me répétait souvent: " Si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand chose". Finalement, je sais maintenant que j'ai beaucoup de valeur.

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