Manifestement
Les gars de l'école Monseigneur Gauthier sont à la porte. Nous sommes plusieurs à quitter la classe par la fenêtre sous l'oeil affolé de Soeur Larouche. J'entends encore sa voix: les filles, les filles, restez ici. Par un bel après-midi d'automne, nous courons vers la liberté, nous allons marcher et manifester à la colline Ahuntsic. Nous rejoignons d'autres élèves, d'autres gens. Nos voix s'élèvent, exprimant notre opposition au Bill 63. Nous voulons protéger notre langue. Je suis en 9e année.
L'année suivante, octobre 1970, j'attends l'autobus rue Saint-Hubert. Je vois défiler devant moi plusieurs véhicules de l'armée. Les sourires sont absents. C'est un choc quand tu as 14 ans. La fiction rejoint la réalité. Les discussions à la maison sont animées. Il faut se souvenir que la société de cette époque était majoritairement composée de cols bleus, cols blancs. L'accès aux études universitaires était en émergence. C'était l'époque où les parents rêvaient pour leurs enfants de meilleures conditions de vie. J'ai été élevée par une mère qui nous disait que nous serions avocate, médecin. Désolée maman, j'ai suivi ta route, je suis devenue enseignante comme tu aurais aimé être et entrepreneure comme papa.
Je suis maintenant en 11e année. Cette fois, à l'hiver 1972, c'est la grande grève. Les leaders syndicaux sont emprisonnés. Le Québec vit une crise majeure. Nous continuons l'école dans un autre établissement avec des horaires décousus. Notre année scolaire ne sera pas en péril. Nous avons notre plus grande leçon d'histoire. Au revoir Sophie-Barat, Welcome Marie-Anne. Les esprits sont à la revendication. Secondaire 5, dernière année. Une petite grève étudiante, pour je ne sais quel motif. Rien de majeur.
Première année de CEGEP. J'ai l'honneur de dire que je fus de la première cohorte du Collège Montmorency. Nos cours se donnaient au pavillon St-Maxime à Laval, en soirée. Je fis partie du conseil étudiant. J'étais la seule fille. Des gars qui tout comme moi étaient en sciences humaines-profil droit. Nous avons eu des revendications concernant l'organisation de l'horaire. Nous avons manifesté notre position et la direction a pris le temps de négocier. Écouter fut la leçon que j'ai tirée de cette année scolaire.
J'ai quitté le Collège Montmorency pour celui de Rosemont. Devinez? Des grèves étudiantes ont eu cours sur deux sessions. J'ai aussi été gravement malade: pneumonie, bronchite. Cours de rattrapage, des travaux surtout et, c'est ainsi que j'ai réussi à obtenir mon Diplôme d'études collégiales. J'ai été par la suite admise à l'Université de Montréal en sociologie. Novembre 1975, une autre grève de plusieurs jours qui met en péril la session. Minuit moins une, une entente survient et nous terminons l'année. La session suivante, j'assiste au cours de Méthodologie dans un grand amphithéâtre. Le professeur devant nous expose sa méthode d'évaluation, je doute de son équité. Je me suis levée, j'ai quitté le cours et l'université.
Je suis persistante. Je crois avoir trouvé ma voie. Cette fois, ce sont les communications à l'Université Laval où je suis admise. Mon chum de l'époque est admis en éducation. Nous louons un appartement à Ste-Foy, je suis prête pour ce nouveau départ. L'année scolaire n'a pas débuté que déjà une grève a pris forme. Nous renonçons à nos projets d'études et je fais mon entrée dans la vie active comme commis-comptable.
Si vous faites le décompte de 1969 à 1976, les grèves, les manifestations ont jalonné ma route. Le 22 avril 1983, alors que je travaillais au Bureau de consultation Jeunesse, j'étais à la tête du comité organisateur d'une marche des jeunes pour l'emploi. Ce comité était composé de différents groupements communautaires et des représentants syndicaux. C'était l'époque où les taux d'intérêt avoisinaient le 20%. L'emploi? Très peu pour les jeunes. La paix sociale était un enjeu majeur. Nous étions 3000 à marcher.
Trente ans plus tard, la situation est différente, mais les enjeux n'ont guère changés. Mes parents rêvaient d'un avenir meilleur pour nous. Cela empruntait le chemin des études universitaires. Le gouvernement a haussé les frais, épongé les déficits astronomiques d'une mauvaise gestion universitaire. Les dommages collatéraux de la grève actuelle n'ont pas toujours été nommés. Aujourd'hui, des carrés bleus et des carrés rouges, marcheront ensemble. Ces deux couleurs fusionnées donnent le violet, la couleur de la tempérance; soit un équilibre entre la terre et le ciel, les sens et l'esprit, l'amour et la sagesse. J'ose espérer que la sagesse sera au rendez-vous et le mépris absent.
Rappelons-nous nos ancêtres d'Europe et d'Amérique
RépondreSupprimerÉvaluons le chemin parcouru ...
L'avenir c'est maintenant
Il est temps d'avoir un plan social...
Pour les citoyens que nous sommes
PARTICIPONS TOUS ENSEMBLE
CONSULTATION
J. Lavoie