Sèche tes pleurs

Je viens d'une famille de braillards. Contrairement à ce que vous pouvez penser, cet héritage vient du côté paternel. Les hommes pleurent... ils ont la larme à l'oeil facile. Enfant, je ne comprenais pas que mon grand-père Didine s'émouvait pour une pacotille. Au fil du temps, j'ai observé que mon père pouvait soudainement verser des larmes pour un incident ou un événement qui à mes yeux était anodin. J'ai un oncle qui a les yeux embués à la vue de ses nièces et qui ne supporte pas d'assister à des événements où l'émotion est au rendez-vous. Il préfère avoir l'air bougon que vivre ses émotions.

Force m'est donnée de constater que j'ai hérité de cette propension à m'émouvoir. Je sais qu'une autre de mes cousines vit cet état d'âme. Que de fois ai-je entendu les gens dire à mon propos que j'étais froide, distante, etc. C'est une question de protection pour ne pas avoir mal. Je considère aujourd'hui que cela a fait de moi une femme meilleure, attentive aux autres. Comme ce billet d'humeur se veut tout sauf triste, rions un peu.

Un jour de mai, roulant vers la maison sur le pilote automatique par les rues de mon quartier, je ne marque pas un arrêt. Oh malheur! une voiture de police est postée face à moi. Les gyrophares s'allument. Quelques semaines auparavant, je m'étais fait coller deux contraventions près de mon lieu de travail pour ne pas avoir roulé à vitesse permise. Je ne suis pas abonnée aux infractions de la route, mais la conjoncture des planètes semblait jouer contre moi.

Je baisse ma vitre et la policière de me dire que je n'avais pas fait mon arrêt. Moi, de lui répondre que j'habite le quartier depuis 20 ans, que je suis à une minute de la maison, que j'ai peut-être glissé sur l'arrêt, mais que je suis prudente ne roulant pas à vitesse excessive en raison des enfants. Vous entendez sans doute la réponse? Et là, je me mets à lui énumérer les dernières contraventions, les points d'inaptitude et... je pleure sans pouvoir m'arrêter. Ma tête me dit de cesser, rien à faire. La scène est surréaliste. La policière décontenancée par mes pleurs me demande si la police me fait toujours cet effet. Je me resaisis pour lui dire non et... c'est reparti de plus belle. Voyant mon état, je fus dispensée de la contravention. Je remerciai la policière et quittai les lieux. N'empêche que je fus longtemps troublée de ce débordement qui ne me ressemblait guère.

J'ai aussi l'art d'entraîner les gens dans mes séances de pleurnichage. Lors d'un dîner de clôture du réseau des femmes d'affaires de notre région où assistaient les décideurs, tant homme que femme, j'aurais dû préparer les mouchoirs. Nous honorions la présidente sortante et j'avais été désignée par mes collègues pour ce faire. Tant que j'ai lu leurs messages, c'était nickel. Quand, je suis arrivée au mien, j'ai eu la gorge nouée. Une respiration, deux respirations, les larmes, pas encore un mot de prononcer, les gens suspendus à mes lèvres, les yeux de l'auditoire qui commencent à rouler dans l'eau,le temps qui s'arrête. Heureusement qu'une amie est venue me sortir de l'embarras lisant mon écrit. Les gens sont venus me voir après pour me dire combien ils avaient été touchés. J'ai compris que ce que je considérais comme une tare était en fait aussi une qualité.

Les années m'ont permis d'apprivoiser cette sensibilité à fleurs de peau. Maintenant, quand je m'adresse aux gens, j'écris un texte plutôt que d'improviser avec l'énergie du moment.  En maturant, la capacité à s'émouvoir grandit, les larmes de joie ont préséance. La beauté des choses, la beauté intérieure des gens me touchent. Assister à un concert, à des funérailles, entendre une chorale, lire ou entendre dans les médias des histoires touchantes fait jaillir des larmes. Je les aime, elles sont miennes et témoignent de mon plaisir de vivre.



Commentaires

  1. C,est notre cordonnier et cordonnière adorée que nous avons tous soutenus. Cela me rassure de constater qu'une communauté peut encore se mobiliser pour aider une famille travaillante et bien aimante envers ses clients!
    Bisous et A+
    Sophie C.

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