Les petits souliers

Lundi dernier, j'ai dû annoncer à mon personnel le décès de l'un des nôtres. Chaque fois qu'une telle situation se produit, je suis dans mes petits souliers. Je dois composer avec mes émotions et accueillir celles de mon personnel. Il faut trouver les bons mots, laisser place aux réactions diverses, aller rendre hommage au disparu et réconforter la famille.  

J'ai assisté à des funérailles orthodoxes, d'autres catholiques. Chaque fois, je suis touchée par les témoignages d'amis, d'enfants, des conjoints, des parents du défunt ou de la défunte. Des mots empreints d'amour qui racontent la vie. Les formules varient. Certains préférent tout faire à l'église, d'autres plus traditionnels exposent le disparu, font le service religieux et déposent le cercueil au cimetière. Des moments qui modulent le deuil, l'arrivée au salon, la fermeture du cercueil, la mise en terre. Rappelles-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière, voilà ce qui résonne à nos oreilles.

Malgré tout, il m'arrive de sourire en songeant aux funérailles de mon père et de ma belle-mère. Lorsque nous sommes allées faire les arrangements funéraires, ma soeur et moi, il semble que nous ayons eu affaire au petit nouveau dont c'était la première journée. Bien qu'éplorées, nous nous pincions les lèvres pour ne pas pouffer de rire devant cet employé qui prenait ses appels en notre présence et à qui, une fois la communication terminée, nous devions resituer le fil de notre conversation. C'est sans compter le curé sur appel qui 5 minutes avant son homélie, nous demandait de lui parler de notre père. 

Quand ma belle-mère a rendu l'âme, je suis allée avec mon mari au salon funéraire. Ne sachant ce qu'il fallait faire pour les habits, nous avons questionné le commis d'origine italienne qui nous a dit que les gens étaient vêtus comme dans la vie, sous-vêtements, parures, souliers, bas de nylon. Comme ma belle-mère était une femme fière et coquette, ma belle-soeur et moi, l'avons habillé de la tête aux pieds, n'omettant pas les petits souliers dorés qu'elle aimait tant.

Quelques semaines plus tard, alors que nous devions libérer l'appartement, les soeurs de ma belle-mère sont venues se partager ses effets. Certaines s'entêtaient à choisir des vêtements qui n'étaient pas de leur taille. J'ai surpris l'une d'elles fouillant frénétiquement le placard. J'ai compris qu'elle cherchait les petits souliers dorés. Envolés en fumée de lui répondre. Le regard assassin qu'elle m'a jeté. Retenant mon rire, j'ai pris le temps de lui expliquer. Je crois que c'est le plus bel hommage que j'ai pu rendre à ma belle-mère, cette femme qui comme une mère était venue pour mes relevailles.

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