La vita bella

"Mauvaise nouvelle probablement un lymphome... rencontre hématologue cet après-midi." C'est sur ce message succinct que je découvre qu'une de mes bonnes fées vient de se faire faucher. Quelques semaines auparavant, un crétin avait annoncé à une amie qu'elle avait un cancer du sang et qu'elle devait attendre la spécialiste. Quatre heures à se ronger les sangs, seule dans une salle d'attente à s'imaginer le pire, alors qu'il n'en était rien. L'angoisse... surtout quand depuis un mois tu fréquentes chaque semaine les urgences parce que ton corps s'emballe.
 
Ma bonne fée a réagi comme le personnage principal de Nouvelle adresse lorsqu'elle apprend sa récidive, elle ne rabroue pas sa meilleure amie dont le chéri a quitté le foyer conjugal, mais elle pose ses limites en regard des siens. Il y a deux ans, une urgence de vivre pour contrer l'angoisse de mourir, m'a incité à cette même période à prendre un vol au pays de mes ancêtres. C'était viscéral. Un mal de dos, lancinant, me faisait imaginer le pire. 
 
Cet été, toujours au pays de mes ancêtres, ce mal a signé présent. Si bien, que je me suis prise à penser que cela pourrait être mon dernier voyage. Je me suis posé la question de ma mobilité, de mon autonomie. J'ai pris conscience que rien n'était acquis, que j'étais privilégiée de partager ces moments avec des amis chers à mon cœur. Certes le plus beau moment de mon année.
 
Sur les recommandations de mon médecin (eh oui... j'en ai enfin trouvé une, la jeune trentaine à qui j'ai dit que nous étions pour vieillir ensemble) je suis allée consulter un physiothérapeute, mon voisin qui m'avait traité il y a de cela quelques années. Je vous ferai fi des détails, mais j'ai une jambe plus courte que l'autre et un bassin qui se déplace vers l'arrière. Le traitement? RPG (rééducation de la posture globale). Même si les jambes sont en l'air, cela n'a rien de rigolo. Des tractions pour replacer le bassin et... la douleur que l'on veut oublier qui soudain s'éveille.
 
Pourquoi je vous raconte tout cela? C'est que dans la tourmente, je ressens le besoin de me sentir vivante, de poser mon regard sur les ventres ronds sur un perron d'église au mariage d'un être cher, c'est de voir le marié soulever sa nouvelle épouse sous les applaudissements de la foule, c'est d'entendre les cloches de l'église,  ce guitariste jouer du blues et la sonnette du glacier qui accompagne cet air, c'est de déguster une glace et retrouver le bonheur de l'enfance avec les cornets à deux boules, c'est la demande de fiançailles dans une salle de spectacle avec le public comme complice,  c'est la musique de ma jeunesse qui m'incite à danser malgré mon corps qui souffre. Tout cela me dit que la vie est belle et que j'aime la vie.
 
 

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