Milas n'est plus
Le tapis d'entrée est orphelin, notre compagnon des douze dernières années, Milas pas de classe comme nous le surnommions, n'est plus. Adopté à la SPCA, nous avions conservé son prénom. Quand tu vas chez le vétérinaire, le chat a une identité, une famille. J'ai bien rigolé la première fois qu'il avait été appelé avec notre nom. Nous les appelons animaux de compagnie, mais ils sont plus que cela, ils font partie de notre famille. La preuve, la place qu'ils prennent dans notre répertoire photo, dans notre quotidien, dans nos vies. On s'attache à ces petites bêtes.
Chaque pièce de la maison est empreinte de souvenirs. Il y a le sofa du salon, où à l'heure des émissions télé, il venait se lover tout contre moi, jamais sur moi. Milas avait la nature sauvage de sa maîtresse, ne l'approchait pas qui voulait. Souvent lorsque la sonnette d'entrée retentissait, on le voyait déguerpir pour ne revenir qu'une fois les visiteurs partis. Les amoureux des chats faisaient exception.
Combien de fois, devant cet ordinateur, il se frottait le cou sur l'écran, requérant mon attention. Après quelques avertissements, ma patience n'étant pas sans limites, je le déposais au sol. Il revenait, insistant, l'air de me dire tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça. Je mettais alors des obstacles pour terminer ces billets d'humeur dont vous êtes les lecteurs.
Souvent bien calée dans mon lazy boy, il minaudait pour se faire inviter, se plaçait sur un des bras et partageait mes moments de détente, en lecture, en musique ou en regardant le feu de bois. Le matin, lorsque je m'allongeais pour faire mon yoga, il se faisait insistant lorsque j'avais les mains au sol pour obtenir sa dose de tendresse, puis s'installait sur la causeuse, assistant à mes étirements quotidiens.
Il avait le don pour saisir l'arrivée des siens, particulièrement mes fils. Je savais à la façon dont il se positionnait dans l'entrée qu'un d'entre eux franchirait le seuil. Le matin, j'avais à peine ouvert les yeux que déjà je l'entendais manifester sa présence. C'était mon soleil, celui qui m'accueillait avec ses ronrons et ses demandes d'affection... et celles de son ventre. Café et bouffe rimaient bien ensemble... et je ne vous parle pas de sa fébrilité à la cuisson du saumon, de la dinde et du poulet.
Le soir au coucher, il s'installait bien avant mon arrivée. Les positions pouvaient différer selon son humeur, selon les miennes. Il n'aimait pas être pris. Il préférait être caressé à distance. Mes grands jours de cafard, il s'allongeait tout contre moi, son cœur contre mon cœur et me consolait. Ses ronrons et sa chaleur ont calmé bien des peines.
Je suis revenue hier, une odeur d'urine inaccoutumée envahissait la maison. J'ai compris qu'il y avait quelque chose qui clochait. J'ai pensé aux personnes qui décèdent qui perdent leur liquide. Ma tête me disait que la mort était proche, mais mon cœur ne voulait pas l'entendre. Il était allongé sur mon lit, respirant difficilement. Je l'ai caressé longuement avec douceur, accentuant aux endroits qu'il préférait, l'accompagnant dans sa douleur. Je l'ai brossé, sa dernière toilette. Lui qui regimbait lorsque j'arrivais aux pattes inférieures ne réagissait nullement. Je l'ai laissé là sur mon lit, en paix.
Pendant ce temps, je me préparais à notre séparation, je voulais une certitude. Je suis allée le chercher, l'ai placé devant la porte donnant sur la cour, un endroit qu'il affectionnait. Aucun intérêt, il est retourné aux pieds des marches d'escalier. J'ai changé l'eau pour de l'eau fraîche, ce bruit le faisant réagir, rien ne s'est passé. J'ai approché l'eau... sans résultat. Ma dernière tentative, faire couler l'eau du bain, moment où il insistait pour se faufiler afin de jouer avec les gouttes d'eau, tremper ses pattes pour s'hydrater. Aucune réaction. Dans un effort ultime, il est allé à sa litière, sans force, répandre son urine à côté de celle-ci.
Mon fils cadet est arrivé, nous avons discuté, comme souvent nous le faisions, le chat entre nous. Milas s'est collé tout contre moi. J'ai fermé la lumière, il était au pied de mon lit. J'ai prié pour qu'il se rétablisse. Ce matin au réveil, pas de ronron, je l'ai cherché. Il était amorphe, allongé sur la céramique du foyer. Je l'ai caressé doucement, lui ai dit que je l'aimais. Je savais que c'était notre au revoir.
J'ai demandé à mon fils d'aller le faire examiner chez le vétérinaire. Il l'a fait avec tout le cœur que je lui connais. Pour lui, Milas a été son confident, son compagnon de jeu et il a eu la générosité d'être avec lui jusqu'à son dernier souffle. Ce soir, il m'a téléphoné pour savoir comment j'allais, me dire qu'il allait bien, pour partager notre tristesse.
J'ai demandé à mon fils d'aller le faire examiner chez le vétérinaire. Il l'a fait avec tout le cœur que je lui connais. Pour lui, Milas a été son confident, son compagnon de jeu et il a eu la générosité d'être avec lui jusqu'à son dernier souffle. Ce soir, il m'a téléphoné pour savoir comment j'allais, me dire qu'il allait bien, pour partager notre tristesse.
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