Juste un numéro

Je suis comme les arbres dont la sève se met en dormance à l'automne, ma tension artérielle devient plus lente, affectée par les rythmes circadiens. Cela fait plus de quinze ans que je vis ce yoyo automnal tant bien que mal avec des étourdissements et une pression qui joue du presto pour se stabiliser quelque temps plus tard.
 
Lundi fin de journée, je me sens étourdie. Beaucoup plus qu'à l'habitude. Je reprends un comprimé, sans succès. Je m'allonge espérant que ma pression se calmera le pompon. Elle ne veut rien entendre et commence à me donner des lectures à hauteur de 200. Là, le cœur s'emballe et tourne à plein régime. Je suis seule, j'ai peur de m'évanouir. En fait, j'ai peur de mourir, et cela, pour une deuxième fois en moins de quatre jours.
 
911...! Les policiers sont les premiers arrivés, préparent mes effets pour une visite à l'hôpital, car dans leur tête, il n'y a pas de doute. Les ambulanciers sont sur place quelques minutes plus tard. Électrocardiogramme, prise de la tension et de la saturation. À deux reprises: "Madame nous allons à l'hôpital". Je suis d'accord, car pour appeler le 911, je me sentais à deux pas du trépas.
 
Arrivée 19h. Je passe au triage. On prend ma température et l'infirmière de me dire d'aller m'asseoir dans la salle d'attente. Pardon ? La glycémie est normale, la température également et mes lectures de tension artérielle quoiqu'élevées n'ont rien d'alarmantes. Je suis sans mot. L'ambulancier me remet un numéro.
 
Résignée, je m'installe dans la salle d'attente. C'est la troisième fois que je suis aux urgences de cet hôpital pour cette problématique. Les deux premières fois, je suis arrivée par mes propres moyens. J'y ai été traitée avec diligence. La première chose qui attire mon attention c'est cet écran qui affiche, le ratio médecin selon les heures de la journée et le nombre de patients en attente avec le numéro de priorité.  Je fais vite le décompte et je peux espérer si je ne suis pas pressée.
 
Cela s'appelle l'expérience patient...! Patient pour patience, sans doute. Je me sens plutôt dans une course à relais, un marathon. Ma position change constamment et je fais du sur place.  Le taux d'occupation de l'urgence est à 190 %. Ce taux fluctue comme l'indice Dow Jones... pour permettre aux patients de garder espoir. Rien de très bon pour l'hypertendue que je suis.
 
Parlant de l'hypertendue... normalement lorsque la pression a avoisiné les 230/130 avec un pouls à 135, même si elle est redescendue, le patient est allongé et l'on vérifie régulièrement la tension artérielle. Une prise de sang peut aussi indiquer certaines choses. Rien de tout cela n'a été fait. Je n'étais pas en train de crever, mais quelques instants plus tôt, j'ai vraiment cru mon heure venue.
 
Les heures passant, toujours inquiète de mon état, ce qui me restait de pragmatisme me disait que le programme n'allait pas changer et que je verrais le médecin aux aurores pour me faire dire quoi... me faire prescrire un nouveau médicament. Perdue dans mes réflexions j'ai à peine eu conscience que les couvertures étaient à la disposition des patients, nous avions l'air d'un camp de réfugiés.
 
J'ai été choquée de voir des patients immobilisés dont les proches devaient aller au triage, voir l'infirmière et se charger eux-mêmes de la distribution des analgésiques. Aux alentours de minuit, je me suis présentée au poste de triage, j'ai fait prendre ma pression. La lecture était haute, mais acceptable. J'ai choisi de partir. Une nuit de sommeil allongée, valait mieux qu'une nuit de sommeil perturbée par les voix fortes de haut-parleurs et le va-et-vient incessant dans ma situation. Il semble qu'il vaut mieux ne pas tomber malade un lundi ou une veille de pleine lune. Soyez avertis. 

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