État d'âme

Elle est entrée dans mon bureau, les yeux embrouillés, ne pouvant retenir ses larmes, s'excusant de son débordement. Elle s'apprêtait à prendre la parole aux funérailles d'une amie chère, une collègue de travail. Elles étaient 7 amies qui depuis quelques années se donnaient rendez-vous aux longs congés automnaux. Des femmes mettant de côté momentanément leurs vies de couple, de famille, professionnelle pour partager. À peine trois semaines se sont écoulées depuis ce rendez-vous. L'amie n'a rien dit de son état. Elle était pleine d'idées un peu folles comme assister au mariage d'inconnus. Ce qu'elles ont fait. Depuis une année, elle se savait condamner et refusait tout traitement. Mon amie a encaissé le choc quand on lui a annoncé que son amie n'en avait plus que pour quelques jours, mais cet après-midi-là, sa peine la rattrapait. La seule chose que j'ai pu faire, c'est la réconforter, la prendre dans mes bras et l'écouter.

Quelques jours auparavant, j'ai regardé le film Toutes nos envies, inspiré du livre D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère. Dans ce film, il est question d'une jeune femme juriste à qui on annonce une tumeur au cerveau. Elle refuse tout traitement, ne voulant pas perturber la vie des siens, son conjoint, ses enfants. Je me suis posé la question, que ferais-je dans une telle situation? J'avoue être tentée de ne rien dire pour ne pas perturber la tranquillité d'esprit des miens. Il arrivera, bien un temps où il le faudra. Cependant, le temps où ils n'auront pas su nous aura permis d'être sans le filtre de la maladie. Je sais, vous vous dites quelle pensée morbide. Non, je pense à la mort comme je pense à la vie. Une nuit, je me suis réveillée et j'ai pensé à organiser mes funérailles.

Rassurez-vous, ma tête va bien. Vous comprendrez qu'entendre régulièrement mon personnel, des amis, des membres de ma famille me raconter, la maladie, la mort, je puisse avoir ce type de réflexion. Je ne suis pas seule à y penser. La mort est un sujet tabou. Je ne cherche pas, c'est ainsi. Lorsque mon cousin Richard est décédé, j'ai eu tout un choc. J'ai été élevée avec lui et ses frères. Le choc a été plus grand quand une fois au salon funéraire, j'ai appris que l'aîné et le cadet avaient eu un cancer et que mon complice avait subi une opération à coeur ouvert. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante.  

Croisée dans le couloir, une de mes employées me dit qu'elle devra s'absenter pour être au chevet de sa mère qui subira une ablation de la vessie et se verra installer un petit sac. Elle me dit: Vous savez quand on a une infirmière dans la famille, c'est toujours à nous qu'on demande d'être présent. Il n'y a pas beaucoup de place pour sa peine elle non plus. Une autre employée souhaite accompagner sa soeur dans la maladie. Un lymphome. Je vois bien qu'elle est bouleversée. Dans ces moments, les gestes d'attention comptent.

Cela me rappelle alors l'importance du moment présent, de profiter de chaque instant. Hier soir, j'ai assisté à un concert à la Maison symphonique. Cette salle épurée a un effet apaisant sur moi. Haydn au programme avec un pianiste qui a su par son rythme donner une couleur contemporaine à cette musique du 18e siècle. Une soirée impromptue en compagnie d'amis très chers. Un peu plus tôt dans la journée, j'étais à aider mon aîné à aménager son nouveau condo. Quelques serrements au coeur, car il quittait une nouvelle fois le nid, mais heureuse pour lui de sa nouvelle vie. Je suis privilégiée d'avoir pu vivre quelques mois au quotidien avec lui. Ce sont les cycles de la vie.

Commentaires

  1. Très beau texte, ma belle Ginette…
    Bon dimanche à toi! Johanne B.

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