Couper

Je viens d'arriver en poste, c'est le mois de mars et la fin de l'année financière. Rien ne me prépare à ce que je dois m'apprêter à faire. Diminution des subventions oblige, une cure minceur de nos dépenses se dessine. La grande portion... les salaires. J'ai 25 ans, je n'ai jamais géré un budget d'un million de dollars. J'ai les épaules lourdes, je me dois d'analyser justement la situation pour ne pas pénaliser indûment les gens. Mon emploi aussi est en jeu. Quand on touche à la paye des gens, on touche à leurs conditions de vie. Il faut faire gaffe, c'est une zone sensible. Le rationnel a besoin d'être solide pour faire avaler la pilule. Il n'y a pas 56 façons de le faire. Il faut dire les choses telles qu'elles sont et offrir des solutions.

C'est ce que j'ai fait. J'ai proposé des compressions salariales en alternance dans les différents points de service, question d'équité. Plusieurs ont ainsi passé l'été en étant prestataires de l'assurance-chômage. La situation est revenue au beau fixe six mois plus tard et les coupures choses du passé. En quittant cet emploi, j'ai retrouvé une situation similaire, avec des locataires. Je fus de nouveau la porteuse de bonne nouvelle. Une augmentation des frais d'exploitation. Devant une assemblée de locataires peu disposée à mon égard, j'ai dû expliquer chiffres à l'appui ce qui justifiait cette majoration. Une fois encore, j'ai proposé différentes alternatives afin de régulariser la situation. Cela a eu l'effet escompté. Les gens se sont sentis rassurés.

La semaine dernière, même scénario à l'horizon. Je dois rencontrer une équipe enseignante pour les informer que la clientèle n'est pas au rendez-vous et que... je dois réaménager les tâches selon les termes de la convention. Comprendre que des coupures sont envisagées et que la personne la moins ancienne doit s'en aller. L'incrédulité se lit sur les visages. Pourtant, certains éléments menant à cette situation étaient connus, mais nous sommes des êtres d'espoir. J'essaie d'atténuer le choc, en me mettant à leur place. Je ne voudrais pas y être à leur place comme ils ne veulent pas la mienne. Le rationnel cède le pas aux émotions. J'ai une personne monoparentale, une autre soutien de famille et je me sens impuissante.

Ce sont les aléas de la vie, celles de mon métier que je me dis. J'agis là où je le peux. Je suis arrivée avec diverses pistes d'actions, de solutions. J'ai accueilli leur tristesse, leur détresse. J'ose croire que cette intempérie est derrière nous. Bien qu'il faille habiter le moment présent, j'avoue que cette fois je ferais bien un saut dans le futur.

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